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Sur les sentiers sacrés de Yamagata



Nous plongeons au cœur d’une nature intense, où la rivière Mogami-gawa déchaîne ses forces et les montagnes révèlent leurs secrets. Chaque instant est une découverte, un mélange d’émotions, de rencontres et de traditions vibrantes.

Le chemin nous guide le long d’une piste cyclable qui longe la rivière Mogami-gawa. Nous sommes impressionnés par la puissance du courant, des rapides et remous. L’eau est tumultueuse, et pourtant turquoise. Le niveau est particulièrement élevé. Les larges lits dans ce pays sont souvent traversés par plusieurs bras et cours d’eau, laissant la place pour les crues rapides. Pourtant cette fois, le lit est complètement recouvert et les premiers arbres de la berge sont même sous le flot. C’est phénoménal ! Imaginer le débit est presque impossible ! L’eau provient encore de la neige qui continue de fondre. Cette année, plus de 5 mètres sont tombés ! Et alors que nous admirons le caractère sauvage de ce fleuve, le mont Gassan apparaît soudain. Large, ce volcan éteint domine le paysage. Recouvert de neige, son sommet blanc apparaît devant les forêts vertes lumineuses et offre un contraste spectaculaire. Nous voilà arrivés à notre première étape, nous sommes à Tendo. Nayla vient de célébrer ces 21 00 km et Fibie a eu la persévérance et le courage de traverser les montagnes pour rejoindre Yamagata, la préfecture au cœur des sommets.


À Tendo, nous sommes accueillis par Yoko san. Cela fait déjà 2 ans qu’elle attend notre venue. En 2023, le rythme des conférences avait rendu tout détour impossible. Nous sommes alors invités par cette femme de 75 ans joviale, énergétique et anxieuse de faire du mieux pour nous. Nous avons droit à une nourriture incroyable, traditionnelle des petits villages de Yamagata et tellement délicieuse. Exactement ce que nous aimons, des plats fait maison, avec des produits frais, kakis séchés, prunes amères, légumes lactofermentés, tout est préparé de ses propres mains  Nous sommes incroyablement touchés par ces plats d’une qualité exceptionnelle et au goût exquis du Japon. Ils sont confectionnés à partir des ingrédients de bases, avec les savoirs faire qui se sont transmis de génération en génération et une touche d’originalité et de créativité.


Passionnée de fleur, sa maison est un temple de plantes, des couleurs enivrantes, aux odeurs parfumées. Elle aime aussi la montagne. Elle souhaite gravir les 100 montagnes du Japon et a déjà atteint le sommet d’environ soixante. C’est ainsi qu’elle nous connaît, à travers Montbell. Elle a commencé à apprendre l’anglais il y a 10 ans environ et nous communiquons ainsi entre anglais et le japonais. Elle nous enseigne de nouveaux mots et nous sommes ravis de sentir que nous commençons à saisir cette langue, chaque jour, un peu mieux. Elle nous présente aussi Yoshi Matsuda san, un jeune de 35 ans, plein de vitalité, qui aime le trail running. C’est un peu son fils adoptif, comme elle le dit. C’est aussi elle qui l’a initié à la montagne.


Avec Yoshi san, ils nous emmènent vers ce qui nous avait touchés à Yamagata. L’énergie spirituelle de Tohoku, le nord du Honshu. La mystérieuse montagne Haguro nous appelle. Aujourd’hui, les plans ne cessent de changer, jusqu’à ce que nous décidions de partir pour découvrir la pagode en bois de Dewa, celle du mont Haguro.


Nous avions déjà gravi Gassan, la montagne de la renaissance. Elle est reliée à deux autres sommets, les trois sommets de Dewa Sanzan. Gassan représente le passé et la vie de l’au-delà. Haguro san représente le monde du présent et la libération des entraves et résistances, et Yudono incarne le monde du futur et une forme de renaissance. Après la montagne du passé que nous avons gravie en 2023, nous allons aujourd’hui au sommet du présent, le mont Haguro, et laissons Yudono san, le sommet de la renaissance pour notre prochain passage dans la région.


Nous marchons alors au cœur d’une forêt de cèdres majestueux. La pluie a recouvert les feuilles de gouttes que les rayons du soleil illuminent, offrant ainsi un éclat à cette forêt qui porte déjà une puissante énergie. Nous sommes instantanément sous le charme, c’est un haut lieu spirituel et énergétique, nous le ressentons. Une magie est présente, palpable. Traversant un petit pont rouge, nous surplombons un érable aux feuilles vert intense ainsi qu’un ruisseau qui chante une douce mélodie. Plus loin, c’est une chute d’eau qui lentement s’écoule sur la roche comme des veines qui s’en vont rejoindre la terre. Soudain, derrière un cèdre millénaire, la pagode en bois apparaît. Elle possède 5 étages. Surtout, elle fait partie de son environnement, elle vibre aux mêmes énergies qui pulsent au cœur de cette forêt un peu magique.


La montagne nous appelle. Nous le sentons tous. C’est ainsi que nous partons pour gravir le sommet, suivant les marches taillées dans la roche, parfois glissante ou recouverte de mousse. Elles longent cette allée de cèdres majestueux, et le chemin grimpe au cœur de la montagne. Les odeurs sont vivifiantes, l’énergie puissante. C’est une véritable purification, avant de rejoindre les fabuleux temples ainsi qu’une gigantesque cloche. C’est ici que nous prions les sanctuaires des montagnes de Dewa Sanzan. Nous sentons que ce lieu ouvre notre cœur, qu’il nous guide dans les énergies sacrées de la Terre Mère. Il invite aussi à une renaissance, à laisser ce qui n’a plus lieu d’être, pour embrasser ce qui est déjà présent.


La descente est teintée des mêmes énergies, de ce retour à soi, dans la plus magique gratitude d’être présent à ce lieu inspirant. Puis nous quittons le monde de la forêt, sortant de ce sanctuaire pour regarder à nouveau vers les sommets. Nous décidons de nous diriger vers Gassan. Cette fois, nous rejoignons un manteau blanc qui tapisse le sol. Des quantités gigantesques de neige donnent lieu à un paysage surprenant. Les arbres dont les racines sont encore cachées sous plus d’un mètre sont déjà parés des feuilles tendres du printemps. Seul le sommet est encore totalement enneigé. Nous ressentons alors la force de vie, celle qui fait remonter les arbres courber par le poids de la neige, celle qui fait naître les bourgeons dans le froid d’un printemps qui pointe juste le bout de son nez, celle qui au-delà des résistances s’épanouit dans l’altérité. Cette force de vie, je l’a sens en nous, plus que jamais. Pourtant les énergies de ces derniers mois ont été teintés de résistances. Accepter cette force de vie qui nous pousse plus loin que ce que nous aurions pu imaginer, dans l’inspiration, comme dans la résistance, c’est accepter de suivre cette voie qui se dessine, mais dont les traits son encore envelopper de brume. Faire confiance dans l’inconnu de ce voile demande un abandon. Pourtant, comme le brouillard qui ne laisse percevoir qu’une infinie bulle de ce qui nous entoure, l’inaction n’ouvre pas la voie, seul le mouvement permet de dévoiler le passage, un pas après l’autre.


Nous sommes alors spontanément invités au pied du mt Gassan, où nous étions restés lors du Sea to Summit en 2023, un événement en lien à l’environnement, où nous avions fait du kayak sur le lac du barrage, rejoint le départ du chemin pédestre à vélo et atteint le sommet en marchant. Nous sommes émus de cette incroyable générosité et du partage. Nous retrouvons le petit lac turquoise derrière la maison et quelques sakuras qui sont encore en fleur. Cet hiver, la famille a déneigé 5,25 m de neige ! Chaque jour, de larges quantités sont tombées, provenant de la mer du Japon et des vents froids de la Sibérie. De la nourriture incroyable nous est servie, dont un poisson Taï emballé dans un manteau de sel. Nayla et Fibie prennent alors un bâton de bois, telle une batte, pour casser la croûte, et dévoiler le poisson. Le matin, nous marchons dans l’air froid et les paysages inspirant de cette nature qui renaît après l’hiver.


De retour à Tendo, nous retrouvons Yoko San. Ria la fille de Yoshi vient aussi jouer avec les filles. Nous partons alors pour le sommet de TendoKogen, où se trouve une petite station de ski. Un filtre de brume ne permet pas de voir les sommets enneigés de Gassan et Asahi, mais pourtant il offre une ambiance mystérieuse autour des montagnes alentours, qui s’élèvent dans des formes alpines et parfois surprenantes. Les trois filles font alors de la tyrolienne face au paysage envoûtant et leurs rires résonnent dans toute la vallée.

Le lendemain, le ciel devient noir d’un coup et une longue averse recouvre le sol d’un tapis d’eau. Nous sommes contents d’être à l’intérieur. Pour nous, c’est une profonde gratitude. Même les filles vont spontanément remercier Yoko san. Non pas tant parce que c’est terrible d’être dehors par ce temps, mais parce qu’elles sont réellement connectées à l’environnement qui les entoure. Parce qu’elles ressentent instinctivement chaque changement de lumière, de temps, de température. Elles appartiennent à ce grand Tout qui les entourent et auquel elles font partie. Et c’est dans cette ambiance de petit cocon, qu’elles chantent pour notre amie dans cette maison traditionnelle aux tatamis et au papier quadrillé, à côté de l’autel familial.


Nous reprenons la route, cette fois en direction de Yamagata pour la conférence qui a lieu à Montbell. Nous embrassons encore une fois Yoko san avant d’enfourcher nos montures, le cœur serré de ce beau partage.

Céline, Xavier, Nayla et Fibie


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