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L’appel des lieux familiers


Un typhon attendu sur Hokkaido nous pousse à modifier notre itinéraire. En marge de la tempête, nous retrouvons des lieux chers, des visages amis, et la force tranquille de la nature. 


Un typhon va exceptionnellement traverser l’île Hokkaido. Nous décidons de passer l’après-midi dans la petite librairie d’Higashikawa pour éviter la tempête qui pourrait déborder au-delà des montagnes et surtout réfléchir à notre itinéraire. Nous avons envie de rejoindre Kamikawa pour passer à l’est du parc national de Daisetsu, mais les dénivellations sont importantes et la météo est catastrophique pour les prochains jours. À 16 heures, la région semble épargnée. Nous reprenons la route. Au dernier croisement possible, nous devons prendre notre décision. Nous choisissons de renoncer, aussi parce que le lac Kanayama nous appelle une fois encore. Nous allons retrouver ce lieu sacré pour nous. Cela nous réjouit, nous sentons que nous nous dirigeons dans la bonne direction. Pourtant ce soir, le typhon a apporté l’air chaud, humide et tropical du sud. Il fait une chaleur intenable dans la tente. Alors nous sortons et découvrons les lumières scintillantes des lucioles qui illuminent le bord de la rivière. Le spectacle est magique. 


Une petite vallée se faufile dans les montagnes jusqu’au café Nirin où nous retrouvons notre ami Toru. Il nous accueille avec des pâtisseries à la pâte sucrée de fayots rouges, et ses fameux takoyaki. Nous montons ensuite le long du barrage qui nous mène au pied du lac Kanayama. Ce lieu est toujours aussi puissant, inspirant. Nous nous asseyons à son pied, face au bleu infini de son eau cristalline. Des lavandes en fleurs, symbole de la région, parfument l’air. Cet endroit est vivant. Sa magie nous traverse, nous élève, nous relie à quelque chose de plus grand. 


Toru nous a invités à passer quelques jours à Minamifurano, nous mettons la tente dans son atelier / garage /entrepôt. Nous retrouvons sa femme Kumi san, son radieux sourire et sa chaleureuse douceur. Toru est un passionné, un rebelle, un leader. Il a des idées avant-gardistes et nous aimons les partages inspirants où ses discours nous conduisent. De désamorçage de bombes sous-marines, à ingénieur aux Etats-Units, en passant par sa compagnie de pêche sur glace, guide à vélo et membre de secours dans les catastrophes naturelles, sa vie est palpitante. Pour lui, il suffit simplement d’essayer ! 


Rencontrés il y a 9 ans déjà, nous sommes touchés par cette longue amitié que le temps ne fait que grandir en profondeur. Nous nous sentons entourés et portés par ces personnages qui se trouvent à la croisée de notre destin. Comme si chaque rencontre contribuait à nourrir le chemin de chacun, à éclairer nos pas mutuels et nos chemins entrelacés. 


Les hautes montagnes du parc national de Daistesusan sont toujours là, à notre gauche, majestueuses. Pourtant, elles capturent les nuages qui restent stagnant sur ses sommets. Ces nuages sombres apportent de la pluie en abondance. Il est tant de poursuivre, de s’en éloigner. Mais, seule une voie traverse les premiers contreforts. Suivant la route, nous grimpons le long de ce passage puis au sommet retrouvons la plaine d’Obihiro, vaste gigantesque, s’étendant au loin. Seules quelques habitations dispersées sont visibles. Cette terre est vaste. Elle nous appelle et nous nous sentons plonger en son cœur. Une longue descente suivant la rivière tumultueuse de Tokachi nous conduit dans la plaine. Nous quittons les grandes forêts pour rejoindre des champs cultivés. L’odeur du foin qui sèche rappelle des souvenirs d’enfance, tout autant que celles des moissons de blé et de céréales. Ces senteurs nous emportent jusqu’à la ville d’Obihiro où ont lieu les célèbres courses de banei. Des chevaux de trait tirent jusqu’à une tonne et traversent deux buttes. Ils s’élancent dans du gravier, s’enfonçant, luttant pour emporter leur charge par-dessus les obstacles, alors que les jockeys doivent gérer leurs efforts. Nayla a insisté pour retrouver ces courses dont elle ne possède qu’un vague souvenir. Pour elle, ces cheveux étaient surtout des colosses il y a 9 ans de cela. Et aujourd’hui, encore, nous les trouvons gigantesques. 


Le lendemain matin, à 4 h 30, le soleil tape déjà sur la toile de notre tente. En moins de quarts d’heure, c’est la fournaise à l’intérieur. La journée d’hier était longue, celle-ci débute tôt. Nous sommes déjà fatigués du rayonnement solaire intense avant même de rouler. Un soleil de plomb irradie. Impossible de rester plus longtemps. Avant 6 heures, nous sommes sur nos vélos. Nous emprunter une piste cyclable qui longe la rivière Satsunai. L’air frais, les quelques arbres nous offrent un peu de répit. La gare de l’ancienne voie de chemin de fer nous accueille dans le petit village d’Aikoku. Les locomotives à vapeur font partie de l’histoire d’Hokkaido autant que les cheveux de traits. Ici, le climat est rude et les photographies historiques illustrent bien la vie ardue dans ces contrées. Les grandes chaleurs ne datent que quelques années environ, transformant ces contrées. Fibie y découvre des bassins. Elle court pieds nus dans la petite rivière artificielle et passe dans les jets. Détrempée, mais pleine de joie de vivre, elle remonte sur son vélo. 


Nous continuons dans ces vastes paysages aux routes rectilignes. De petits villages isolés, quelques fermes ponctuent les champs étendus. Nayla, face au bitume, trouve ces distances ennuyeuses, infiniment semblables. C’est surtout les routes rectilignes qu’elle subit, si monotone. Pour moi, l’espace, l’horizon qui s’étend au loin, sont source d’une grande joie. Ces paysages offrent un changement apaisant. Cette ligne d’horizon inhabitée donne l’espace pour faire naître des idées originales, ou accueillir de nouveaux élans. 


Brûlant sous le soleil, nous rejoignons finalement la rivière Rekifune. Sa berge nous y recueille pour camper. L’eau cristalline s’évade dans le courant rapide. Nous plongeons dans cette eau qui a chauffé le long de sa descente sur le lit de pierre. Quelle gratitude de sentir l’eau glisser sur notre peau et rafraîchir nos corps. Le courant est si fort que nous n’arrivons pas à remonter la rivière en nageant, mais jouons dans les rapides pour rejoindre une zone de remous. Nous remercions ce flot de tout notre cœur. Plus que nous raviver par sa fraîcheur, il fait partie de ces surprises qui nous invitent à poursuivre notre chemin, à célébrer l’inconnu. Ce sont ces moments de félicité en pleine nature, où ensemble nous jouons et chérissons le simple fait d’être vivant. 


Céline, Xavier, Nayla et Fibie


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