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Le souffle des cèdres et le murmure du dragon


Tout commence par une montée éprouvante au cœur d’une forêt luxuriante, où Fibie, les jambes fatiguées mais le cœur vaillant, passe son tout premier col. Ce n’est pourtant qu’un début : une halte inattendue dans un onsen, une rencontre avec un couple de Japonais de 80 ans, une invitation chaleureuse, puis la découverte des temples sacrés de Nikkō, enveloppés de cèdres centenaires et de légendes anciennes. 


« Encore un peu de courage. On s’arrête au barrage pour manger ! » Xavier encourage Fibie en pleine montée. Le chemin est incroyable, nous roulons au cœur d’une forêt vivifiante. Et dans cette myriade de verts intenses, des azalées et fleurs aux couleurs vives apparaissent vers les maisons isolées ou les villages. Cette farandole de couleur est enivrante pour les sens. Finalement, nous arrivons face au lac bleu indigo. 


Nous mangeons devant la beauté de ce lac. Et sommes à nouveau impressionnés par la myriade de verts éclatants qui parent les forêts. Par endroit, des glycines s’élèvent sur des cimes et le mauve de ces fleurs offrent un contraste aussi poignant que son parfum. Nous dormons dans un petit parc, au cœur de la forêt. Avec la pluie, puis les températures qui ont chuté, nous nous réveillons le matin avec un petit 4 °C. Cependant, cette nuit, le ciel était pur. Les étoiles donnaient même une illusion de profondeur et de plongeon au cœur de notre galaxie. Visible à travers le feuillage fleurissant des arbres, une profonde sensation d’émerveillement m’a traversé. 


Nous poursuivons la montée vers le col. Nous sentons le changement d’altitude avec la végétation qui se fait de plus en plus rare et les arbres qui sont par endroit encore brun de l’hiver, nus, découverts. Il n’y a que quelques bourgeons sur les branches. Finalement, Fibie arrive à son premier col, toute fière. Il nous reste tout de même un tunnel de 4 kilomètres à traverser. Heureusement, il est à la descente. Nous allumons les lampes et portons des vêtements réfléchissants, avant de s’engouffrer dans cette galerie souterraine et arrivons dans le tout petit village de Nikkowanoshiro. Nous repérons un lieu pour planter la tente quelques parts vers la rivière Daiya, demain la météo annonce à nouveau un temps exécrable avec des températures froides et des pluies abondantes. Nous allons alors nous réchauffer dans le onsen, dont l’eau est reconnue pour ses minéraux. L’eau bleue des bassins extérieurs et le sauna détendent nos muscles. Quel bien cela fait après ce col et une semaine sur la route ! Même si nous nous lavons tous les jours avec des gants de toilette Jemako qui ne nécessitent pas de savons. Dans le bain, une dame d’environ huitante ans me parle. Nous échangeons. Elle aime voyager et parle quelques mots d’anglais. Avec notre japonais basique, nous pouvons communiquer. À peine, lui ai-je expliqué notre vie, qu’elle nous invite chez elle. « Venez passer la nuit à la maison, en plus c’est la journée des enfants ! J’irais chercher des sushis ! » Incroyable rencontre. Nous sommes touchés par son invitation et sa spontanéité. En plus, un gros panneau « attention aux ours » est disposé dans la région. Nous sommes dans les montagnes des Alpes japonaises, habitat de l’ours noir asiatique. On nous avait déjà prévenus que de nombreux ours vivent la préfecture de Tochigi, cette fois, nous sommes dans leur territoire. Alors en plus de la pluie qui ne va pas tarder, nous sommes ravis de cette invitation. Ce que nous n’avions pas prévu c’est la distance jusqu’à leur maison. « Ce n’est pas loin ! » nous dit son mari à la sorite des bains. Pourtant, c’est tout de même à 11 km et surtout 400 m de dénivellation supplémentaires. Nous allions refuser, parce que c’est beaucoup trop pour Fibie d’ajouter cette distance, alors qu’elle est déjà fatiguée de la journée, qu’elle a faim et qu’elle s’endort à moitié de la douce chaleur environnante de l’édifice. Le couple insiste. Nous viendrons chercher les filles pour la montée. Finalement, nous acceptons. En 7 kilomètres, nous rejoignons le centre touristique de Nikko. La lumière sur les forêts de feuilles tendres ravive le contraste avec le pont rouge qui traverse la rivière émeraude. Un moment de magie. Et même si les couleurs de la nature environnante sont merveilleuses, la foule nous surprend. Nous étions dans une petite vallée qui semblait si éloignée. 


Maintenant, il nous reste la montée pour rejoindre leur maison entourée d’arbres aux fleurs roses éclatantes, symbole de la région. Ce sont des Yaezakura qui sont une sorte de cerisiers japonais tardifs. Ils sont absolument magnifiques et illuminent la forêt de cèdres de couleurs vives. Ce soir, nous partageons des sushis dans la petite maison avec ce couple de 80 ans qui nous a ouvert leur porte. Ils nous offrent même de rester le lendemain, lorsque la pluie battante arrose le territoire. Nous sommes soulagés d’être à l’intérieur et au sec. 


Le mari, Mineichi san, décide alors de nous emmener vers les fabuleux temples de Nikko, un site UNESCO. Nous retrouvons les gigantesques cèdres centenaires et leur douce odeur boisée. Une pagode à 5 étages aux couleurs vives apparaît. Elle est élégante. Chaque étage représente un élément, depuis le bas, la terre, l’eau, le feu, le vent et l’éther. Ce site est aussi le sanctuaire du célèbre chef samouraï Tokugawa Leyasu. Il était le premier Shogun dans la période Edo, un général qui a régné sur le pays en instaurant la paix entre les clans et l’unification du pays. C’était un grand pas qui faisait fin à une période mouvementée et de guerre. Il a aussi imposé un ordre social strict et hiérarchique et la politique isolationniste du Japon qui a duré pendant près de 200 ans. Un chat en train de dormir est son protecteur. Il est accompagné d’un moineau, qui symbolise la force et la faiblesse, une des nécessités pour atteindre l’unification. 


Nous traversons la somptueuse forêt de cèdres pour voir la tombe de cet homme important dans l’histoire du Japon. Pourtant, ce qui nous marque le plus sont les piliers de la porte du temple. Sur l’un d’eux, le motif a été dessiné à l’envers. Cela illustre réellement la pensée japonaise. Il y a toujours une volonté et une recherche de perfection, par la discipline. De nombreuses activités, art et art martiaux parlent d’ailleurs de voie, le Dô, le chemin vers une maîtrise parfaite où la pensée et l’action deviennent un. Pourtant, coexiste aussi la notion, que la perfection une fois attente signifie l’amorce de la chute. Dès que la perfection est atteinte, la détérioration commence. En architecture, il est donc important d’ajouter une imperfection dans un détail afin de protéger le temple des démons. 


Nous rejoignons dans le dernier temple. C’est celui que Nayla et Fibie ont préféré. Là-bas, un fabuleux dragon est dessiné sur le plafond. Un dragon d’eau, comme c’est le cas au Japon. Il sont toujours associés à cet élément. Et lorsque le moine frappe des claves, un sifflement résonne dans le temple, la voix du dragon. Les filles trouvent cela magique. Elles qui aiment tant l’énergie des dragons. 


Durant la soirée, Nayla et Fibie chantent et jouent au ukulele pour animer le souper. Et le lendemain, nous faisons nos au revoir à Toshiko san, Mineichi san et leur incroyable générosité. Toshiko était souriante, avec un esprit ouvert et un amour du voyage. Mineichi, un professeur à la retraite, était pragmatique, intéressé et partageait ces connaissances. 


Nous repartons sur nos vélos avec un puissant vent de face, glacial, vers nos prochaines aventures.


Céline, Xavier, Nayla et Fibie


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