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Sur la route d’Hachinohe


Nous avons traversé le froid, le brouillard, les réactions allergiques, la chaleur, les tempêtes de vent et le vacarme des avions de chasse. Et malgré les imprévus, la fatigue ou les changements de cap, quelque chose de plus fort nous guide : la tendresse, la beauté et l’élan d’être ensemble.


Nous sommes dans le brouillard humide qui détrempe tout notre matériel et notre tente. Un brouillard épais et froid qui nous laisse transis de froid. Il provient du Pacifique et recouvre la terre de sa brume dense. Malgré sa beauté, nous pressentons que cette région est traversée par des conditions météorologiques difficiles et intenses. Mais le plus urgent, ce sont les jambes de Nayla ! Elle fait une réaction allergique. De larges plaques rouges apparaissent de la cheville au genou. Nous appliquons tout de suite de l’argile, mais il fait relativement froid. Elle est transie avec son argile sur les jambes, assise sur un petit banc détrempé.

Le plus étrange est la réaction similaire de Xavier il y a moins de 12 heures. Nous ne savons pas d’où provient cette allergie : est-ce le lieu, quelque chose dans l’air, sur l’herbe, un insecte ? Nous décidons de modifier nos plans. Il serait peut-être intéressant d’aller dans un onsen afin de se laver si cela provient de l’environnement, d’un urticant comme une chenille ? Nous pensions rouler jusqu’à la pointe nord-est de la péninsule, le cap Shiriya. C’est un lieu reculé, isolé, où se trouve un phare. Nous aimons ces guides lumineux qui s’élèvent au-dessus de la mer. Nous devons y renoncer. Le temps n’est pas non plus avec nous. Ils annoncent du brouillard sur cette région pendant deux jours.

Pendant que nous délibérons et plions le camp, Nayla met ses pieds dans le sable. « Cela me fait tellement de bien », dit-elle. Lorsque nous prenons la route, la réaction a déjà nettement diminué. Nous sommes rassurés. Pourtant, nous sommes toujours dans le brouillard. Nous traversons les collines pour rejoindre le bord de la mer de Mutsu. Depuis de petits villages de pêcheurs reculés, nous entrons dans une circulation intense que nous n’avions pas imaginée. C’est le week-end, il y a un trafic redoutable. Nous sommes stressés, les gens roulent vite et près de nous. Nous sommes soulagés de nous arrêter vers un petit étang pour souffler un peu à la pause de midi. Heureusement, dans quelques kilomètres, il y a une petite route parallèle que nous pouvons emprunter. Il fait maintenant grand beau, et pour la première fois, nous souffrons de la chaleur et des moustiques. Une chaleur humide s’est installée, annonçant l’arrivée de l’air tropical et probablement le début de la Tsuyu.


Nous arrivons finalement à un petit onsen local. Puis, nous plantons notre tente juste au bord de la mer. Ce soir, la vue est incroyable. Le soleil se couche lentement sur la baie, et nous voyons non seulement les monts Hakkoda mais aussi le volcan Iwaki, au pied duquel nous avions roulé en 2023. C’est un peu comme si nous pouvions ressentir tout ce chemin en nous, comme si nous pouvions voir la distance que nous avons parcourue. Pour Fibie, c’est une fierté que d’imaginer avoir traversé les hautes montagnes, comme une reconnaissance de ce chemin et de la magie qui nous a guidés. Nous sommes si bien ce soir. Nous sommes dans un lieu apaisant, dans une petite bulle.

C’est difficile de repartir au petit matin. Nayla et Fibie veulent rester. Tous ensemble, nous décidons tout de même de poursuivre et de faire de petites journées pour assurer notre arrivée à Hachinohe. À midi, nous arrivons au bord du lac Ogawara. Cette vaste étendue d’eau est un site important pour les oiseaux migrateurs. Nous décidons de monter le camp au bord du lac et de profiter de l’après-midi.

En quelques minutes, un fort vent se lève. Il est brutal, insistant, épuisant. Il nous chahute. Ce souffle prend tout de nous. Impossible de rester dehors, nous nous abritons dans la tente. Ce soir, ce sont les avions de chasse de la base américaine de Misawa qui s’y mettent, faisant des tours au-dessus du lac. Ils percent le ciel et nos tympans à chaque passage pendant plus de trois heures. Demain, c’est sûr : nous reprenons la route !

Nous traversons ainsi les montagnes pour rejoindre le Pacifique. Enfin, nous sommes face à cette gigantesque étendue bleue. C’est magique d’être face aux rouleaux qui déferlent sur la plage. Il y a une telle puissance dans cet océan. Fibie découvre un terrain de basket. Elle est euphorique ! Nous jouons au basketball et profitons de l’espace qui nous est offert. Il y a une douceur entre nous qui est merveilleuse à voir fleurir. Une harmonie qui s’est installée au-delà des changements de plan. Et c’est surtout une grande célébration pour Fibie : elle a réussi à traverser les montagnes de Honshu. Nous arrivons à destination de cette étape avec une envie de découvrir encore plus loin les terres d’Hokkaido.


Avec le lever du soleil, la tente devient une fournaise. Il n’est que cinq heures du matin, et nous ne tenons déjà plus. Quel changement spectaculaire. De l’air chaud et humide provenant du sud vient d’arriver jusqu’au nord de Honshu, et nous subissons d’un coup ce changement drastique de climat. Nous longeons la zone industrielle de la grande ville d’Hachinohe, et sommes surpris par l’odeur forte qui y règne. De nombreuses industries alimentaires transforment les seiches et calamars en pâte de poisson, renommée dans la région. Nous arrivons finalement au port puis remontons la rivière pour rejoindre la maison des Yamamoto. Lorsque nous arrivons, c’est Mutsuko-san, sa femme, et Satoko-san, leur fille de 25 ans, qui nous accueillent ! Quelle joie de les retrouver ! Dans la soirée, notre ami Yoshifumi-san arrive. Il nous apporte une bouteille de vin avec une étiquette exceptionnelle ! Dessus, notre photo, avec comme cuvée spéciale les 47 préfectures du Japon. Nous sommes réellement émus. C’est un peu comme si quelqu’un nous avait attendus à la ligne d’arrivée pour nous féliciter. Habituellement, nos célébrations restent intimes. Celle-ci est donc empreinte de partage avec nos amis ! Et Mutsuko nous a préparé des sashimis incroyables.


Le lendemain, Yoshifumi a pris congé pour nous emmener découvrir Hachinohe. Nous allons à l’île de Kabushima. Un site protégé pour une colonie de goélands à queue noire qui vient s’y reproduire. Près de 40 000 individus s’y retrouvent dans la cacophonie de leurs cris. Nous marchons au cœur de la colonie pour rejoindre le sanctuaire dédié à Benzaiten, une déesse de protection. Certains oiseaux volent juste au-dessus de nos têtes, d’autres marchent à nos pieds. Nous voyons les nids tout près, les femelles qui couvent les œufs, et certains petits qui marchent devant nous.


Il nous emmène ensuite vers le phare de Samekado, là où des lys poussent au niveau de la mer, alors qu’ils s’épanouissent habituellement dans les montagnes. Un signe des climats rudes qui fouettent les côtes pittoresques du sud d’Aomori. Le phare marque aussi le début d’une longue marche le long des côtes de plus de 1 000 km qui rejoint la province de Fukushima. Le sentier de randonnée de Michinoku traverse ainsi des régions sauvages et de petites communautés de pêcheurs.


Le long de la côte Tanesashi, nous découvrons ensuite cette «pelouse». Un espace vert gigantesque recouvert de magnifiques fleurs sauvages plongeant vers les formations rocheuses noires et volcaniques qui s’ouvrent sur l’océan Pacifique bleu roi. C’est un lieu vraiment particulier qui a inspiré plus d’un écrivain et artiste. Le poète Keigetsu Omachi (1869-1925) a d’ailleurs fait connaître pour la première fois la beauté de ce lieu. Nous aussi, nous sommes touchés par cet endroit magique.


Nous allons ensuite partager une conférence pour la compagnie d’imprimerie de Yoshifumi. Elle est spécialisée pour imprimer sur du papier traditionnel japonais. Nous découvrons ainsi cette entreprise et partageons notre mode de vie.


Yoshifumi nous offre alors des autocollants, des cartes, ainsi que des badges de notre Slow Life sans limite ! Un ami, Homma san, d’Ajigasawa, la côte opposée d’Aomori vient nous retrouver : plus de deux heures de route pour nous voir. Le lendemain, nous reprenons nos vélos, touchés par cet accueil incroyable. Nous avons vraiment la sensation d’avoir retrouvé nos amis de toujours, accueillis au cœur de la famille comme si nous en faisions partie.


Céline, Xavier, Nayla et Fibie


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