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Un espace hors du temps





Ce soir, nous sommes invités dans une petite maison japonaise. C’est une annexe de la résidence familiale de la famille Kusakabe qui a été rénovée. La gigantesque demeure a été désignée comme édifice d’importance culturelle dans la vieille ville de Takayama. La famille Kusakabe avait été placée dans ce lieu stratégique par le Shogun durant la période Edo. Takayama était une ville de marchands et son bois ainsi que ses artisans, charpentiers et sculpteurs y étaient réputés et le sont encore aujourd’hui. La grande demeure est magnifique. Faite en bois et en tatami, les espaces sont incroyables. Pourtant, il y fait si froid. Sans isolation, il fait cru, le froid presque mordant. Dire que ces pièces étaient uniquement chauffées au charbon de bois, les hivers devaient être rudes. Pourtant, encore aujourd’hui, dans une grande majorité des maisons traditionnelles, il n’y a pas d’isolation. Une seule pièce est donc tempérée avec des chauffages à essence.


Lorsque nous entrons dans la petite maison rénovée, nous sommes sous le charme. La salle à manger donne sur un petit jardin intérieur où quelques érables portent encore le rouge écarlate de leur feuille découpée. Deux lanternes en pierre apportent aussi d’une touche d’élégance à ce jardin japonais. Les chaises en bois sont magnifiquement sculptées dans des courbes magnifiques. Elles n’ont pas de pied, mais sont placées sur les tatamis face à une table basse. Au deuxième étage, un espace lecture a été aménagé. C’est aussi ici que se trouvent les chambres, entourées de murs en papier japonais. Le bain est sublime. Construit en bois de cèdre, les odeurs boisées sont vivifiantes. La porte peut être complètement ouverte sur le petit jardin japonnais, offrant un moment de douce détente. Dans cette petite maison, il n’y a ni pendule ni télévision. Une volonté d’offrir un espace unique et hors du temps.


Le petit déjeuner nous est servi sur la table basse. Nous dégustons alors les mets d’une cuisine chaleureuse, celle d’un repas préparé par une grand-maman dans un petit village. C’est une nourriture délicate et pour les Japonais, elle rappelle les goûts de l’enfance du village natal, le furusato.


Nous participons ensuite à un atelier de Miyakaza. Ce sont la fabrication de chapeaux de paille traditionnels. Nous rencontrons alors un maître. Cet artisan a passé sa vie à fabriquer ces chapeaux et continue encore aujourd’hui. Il a 86 ans. Il arrive en se déplaçant difficile, puis il s’assied en tailleur face à nous. Il reste alors dans une position parfaite durant plus d’une heure, composant un des motifs les plus difficiles, trois cigales. Nous sommes témoins de sa dextérité à créer ce motif qu’il a inventé il y a déjà de nombreuses années. Nayla et Fibie apprennent à tisser la paille avec sa femme et fabriquent un phœnix, des grenouilles ainsi que des chevaux. Nous sommes fascinés du travail de cet artiste. Au Japon, il y a réellement un respect pour les personnes âgées et pour leur savoir. Ceux qui ont passé plus de 50 ans dans un domaine sont des maîtres qui sont respectés et reconnus. Il devient alors un honneur de pouvoir apprendre de ces personnes, de recevoir une partie de leurs savoirs et techniques. Ainsi des maîtres très âgés continuent à enseigner à 80, 90, 100 ans pour transmettre leurs connaissances, dans l’artisanat, mais aussi dans la musique, dans l’art, et dans de nombreux domaines. Cela nous questionne sur la place que nous offrons à la fois aux jeunes générations pour initier du changement, et à la fois aux anciennes générations pour recevoir cette sagesse qui se développe avec l’expérience de vie.


Les moines de Koyasan qui partent dans les montagnes de la péninsule de Kii pour faire des expériences de Shugendo, l’apprentissage par la voie des montagnes, portent des chapeaux de pèlerins. Dernièrement, il était à la recherche d’un maître capable de fabriquer ces chapeaux coniques si importants et aux motifs complexes. Après de longues recherches, ils ont entendu parler de l’homme qui se tient face à nous. C’est aujourd’hui lui qui fabrique ces couvre-chefs spirituels.


Céline, Xavier, Nayla et Fibie
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