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Le Chant des Vallées Silencieuses


Nous roulons au cœur d’un Japon sauvage, porté par le chant silencieuse des montagnes et l’écho sacré des rivières. Chaque coup de pédale est une porte d'émerveillement, chaque rencontre une étoile sur la carte de notre destin. À travers brumes, tunnels et sommets enneigés, nous poursuivons cet appel vibrant, celui d’un monde où les frontières s’effacent au profit d’un lien profond avec la Terre et l’âme.


Nous repartons de Tadami avec des présents. Les employés du camping nous ont donnés des portes-clés ainsi que le pain à la crème de la région. Un jeune originaire de Tokyo y a fait sa vie, souhaitant s’éloigner de l’agitation de cette mégapole pour retrouver ce lien à la nature. La région s’est d’ailleurs déclarée Capitale de Mère Nature, une volonté de souligner la nécessité de protéger l’environnement pour les générations futures. Son rêve est de voyager à travers le monde. Cette rencontre n’est donc pas un hasard pour lui. Pour nous, ce lieu a nourri nos rêves du Grand Nord, il a nourri ce besoin de se relier aux grands espaces sauvages. Ici, nous nous sentions en lien avec la puissance de la terre mère.


À nouveau sur nos vélos, je suis dans la gratitude de pouvoir rouler. Je remercie mon corps pour ce gigantesque exploit depuis plus de 15 ans, mais surtout pour avoir su me guider vers la guérison de mon dos, par avoir accepté de me montrer le chemin, pour me mener à nouveau sur mes terres intérieures. Les douleurs sont encore présentes, mais elles ne m’entravent plus. Elles sont un rappel de me relier à mes rêves les plus grands, de créer un futur qui n’a pas de limites et qui est infusé par la plus puissante des libertés intérieures, celle de s’autoriser à être soi et de suivre le murmure de son cœur. La dernière pleine lune en était porteuse, comme si une nouvelle énergie circulait, une énergie de tous les possibles. Elle illuminait la tente de sa douce clarté comme pour réveiller en nous cette inspiration.


Ce matin, malgré le ciel dessiné en peinture aquarelle de gris et de noir, nous sommes surpris de la beauté de cette vallée sauvage. La rivière Tadami est émeraude et rappelle l’univers vert qui nous entoure. Au cœur de cette vallée encaissée, les nouvelles feuilles tendres composent des dégradés inimaginables aux couleurs lumineuses. Nous longeons ce cours d’eau, tel un gigantesque serpent qui se faufile entre les montagnes. La région est sauvage. Elle est nourrie par des eaux thermales, dévoilés par les petits onsens le long du chemin. Pénétrant une forêt de cèdres majestueux, nous découvrons une source d’eau potable. Elle est gazeuse et nous sommes surpris par le pétillant de cette eau source de vie. Une des rares au Japon.


Ce soir, nous campons face au premier pont de la vallée. Depuis le point de vue, l’énergie de cette terre est palpable. Des brumes mystiques enveloppent les monts abrupts qui plongent dans la rivière. Un train apparaît, il est le témoin de ce lien entre la nature et la population qui y vit, tout comme les quelques rizières et champs. Nous nous sentons fortement en lien avec ce paysage que le silence habite.


La descente se poursuit cette fois jusque dans la plaine d’Aizuwakamatsu, non loin du lac Inawashiro que nous avions tellement aimé il y a deux ans. Nous retrouvons son énergie de douceur. Pourtant, au contour d’un virage, un panorama envoûtant apparaît. Les lignes blanches du sommet de Bandai Asahi se dévoilent comme surgissant de la terre. Complètement recouvert de neige d’un blanc immaculé, les montagnes contrastent avec les champs en rizières qui reflètent les paysages comme des miroirs. L’esprit des hauts sommets est présent, nous rappelant leur souffle de liberté. Un lieu reculé, embrassé par tant de neige en hiver. Au Japon, la puissance des éléments émerge d’une nature sauvage parfois cachée, qu’il faut dévoiler. L’imposante vision ne s’offre que l’espace d’un instant. Les esprits du lieu ont déjà demandé aux nuages d’avaler les souffles sacrés de ces hauts sommets. Ils ont disparu dans un voile blanc argenté. Le long de la large rivière Aga, nous sommes alors à l’écoute de la symphonie du printemps et de quelques faisans. Ce soir, une douce chaleur nous entoure. Nous regardons le ciel étoilé dans la pénombre naissante et apprécions les exploits de haute voltige des chauffe-souris, nous offrant un spectacle silencieux.


Le lendemain, nous roulons devant l’imposant château et découvrons le temple Sazae en colimaçon. L’architecture en bois est impressionnante et permet de monter et de descendre sans jamais passer par le même lieu. Nayla et Fibie rient de découvrir ce temple si étrange, mais c’est une fois encore les cèdres majestueux qui les emmènent à se poser quelques minutes, les embrassant, touchant leur écore, se reliant à leurs énergies. Nous poursuivons la journée et nous nous retrouvons dans un petit camping. Fibie souhaite tout de suite dessiner pour son Grand-Papa. Nayla écrit aussi, puis elles y mettent le feu afin d’envoyer leur présent dans l’au-delà. Il continue d’être présent auprès d’elles. À mon tour d’écrire une petite lettre, pour ce jour, celui de sa naissance dans l’invisible. Nous profitons de la soirée, et un groupe de motards nous offrent quelques gambas qu’ils ont grillées au barbecue avant de poursuivre leur soirée animée par les souvenirs de leurs années de jeunesses et par la promesse de se retrouver à Hokkaido. Nous aimons ce petit camping au cœur de la forêt. Nous avons joué au badminton dans la petite place et Nayla s’est lié d’amitié avec un lézard. Ce soir, la température est douce. Il n’y a pas un moustique. Pas encore. Ce sont des instants privilégiés.


Ce matin, nous avons un gros col. La montée est longue et traverse une vallée étroite qui plonge à travers les montagnes lumineuses des myriades de verts. Le torrent en contrebas est parfois tumultueux dans des rapides impressionnants, parfois s’étend dans un courant plus calme en dans des teintes émeraudes. Le niveau de l’eau est très haut avec la fonte des neiges. D’ailleurs, nous montons jusqu’à la neige, de nombreux névés sont encore présents. La route alterne entre pont et tunnel, les tunnels arc-en-ciel. Il y en a tellement qu’ils ont tous une couleur différente. Cela offre un jeu pour les filles. Du coup, elles ont un rythme incroyable et elles avalent les kilomètres entre les ponts avec une vue mystérieuse et les tunnels sombres. Heureusement, un bas côté permet de rouler en toute sécurité. Pourtant après 20 kilomètres, au sommet de la montée, il y a le dernier tunnel. 4 kilomètres à travers la roche. C’est très long. Et il n’y a aucun bas côté. Nous allumons les lampes, mettons des gilets réfléchissants et plongeons dans ce tuyau interminable. Heureusement, il est en descente et nous voyons tout au fond, loin devant, la lumière. Il nous faut près de 15 minutes pour le traverser, jusqu’à resurgir de l’autre côté. Cette fois, nous sommes arrivés dans la préfecture de Yamagata.


Une longue descente nous attend jusqu’à rejoindre un petit onsen pour nous détendre. Surprise ! Aujourd’hui, quatre personnes nous offrent quelques biscuits, snacks, lavandes et porte-clés. Non pas tant que tout soit essentielle, le petit sachet de lavande va vite moisir dans l’humidité ambiante, mais c’est plutôt le geste, cette simple générosité, ce geste envers l’autre, vers un inconnu. Combien de fois sommes-nous portés à offrir sans aucune attente d’un retour possible, par la simple et pure joie de donner ? En tous les cas, cela marque aussi le tempérament de la population dans cette préfecture, ou du moins ce que nous nous en rappelons. Notre dernier passage avait été teinté par de belles rencontres et par une humanité chaleureuse.


Nous longeons une petite vallée, un lieu où quelques rizières et champs sont cultivés. Les fermes sont alors de belles et grandes maisons traditionnelles qui ponctuent la route. Cette voie nous conduit à Nagaï. Nous retrouvons le camping au pied des montagnes encore enneigées et les statues Jommon. L’herbe est tapissée de fleurs violettes et nous offre un petit cocon dans un panorama envoûtant. Plus loin, des iris ont été plantées et un petit lac offre en reflet les chaînes de montagnes vertes. Ryoichi San vient tout de suite à notre rencontre. Il nous emmène manger des soba, les nouilles de sarrasins, avec les membres de la municipalité. Nous rencontrons Shingo San, il est enthousiaste et partage notre amour de la nature. Chery de Spike le centre du Kendama et le directeur du tourisme régional viennent aussi nous retrouver. Ryoichi San prépare ensuite un barbecue que nous partageons tous ensemble avec sa femme. Quel accueil incroyable ! Nous sommes touchés par cette humanité et le lien que nous pouvons tisser avec tous ces personnages et personnalités.


Et puis Nagaï, c’est surtout ce lien avec les montagnes, avec cet environnement que nous aimons tant. Il nous offre la douceur des belles journées de printemps tapissée de fleurs. Puis la pluie est tombée, intense, toute la journée. Les mouches noires s’en donnent à cœur joie, nous laissant des marques qui, nous le savons que trop bien, vont démanger pendant des jours. Nous sommes alors tapis sous un abri. Le froid et l’humidité sont pourtant effacés par la pureté des paysages que la brume embrasse. C’est saisissant. Ryoichi San nous emmène ensuite dans un onsen qui permet de réchauffer nos corps, c’est la magie du Japon.

Céline, Xavier, Nayla et Fibie


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