La mer du Japon gronde et les montagnes s’élèvent comme des remparts. Sur la petite île de Yagishiri, un moyeu casse. Chaque obstacle devient une occasion d’inventer, de persévérer et d’avancer autrement, et la beauté brute du paysage se mêle à l’énergie du défi
Le moyeu de Xavier vient de lâcher sur la petite île de Yagishiri. C’est la crémaillère de la roue libre qui n’est plus scellée au moyen. Xavier emprunte une perceuse afin de trouer le hub et espérer créer une adhésion qui permettra de rouler. Le premier essai est sans succès. Nous reprenons le ferry. Xavier pousse son vélo sur 7 kilomètres et nous arrivons tous de nuit dans le petit camping de Tomamae. Illuminé par la lune, il essaie de trouver d’autres solutions. Mais cette fois-ci, rien ne fonctionne. Le premier magasin de vélo est à 45 kilomètres, tout comme le premier lieu pour louer une voiture au cas où. Prendre un bus est une mission impossible avec tout le chargement.
Aux premières lueurs de l’aube, Xavier commence à marcher pour rejoindre Rumoi. Il a déjà délesté son vélo. Nayla et moi avons pu mettre quelques affaires sur nos vélos. Après quelques kilomètres, je lui propose de le tirer. Je préfère le tirer que d’être en équilibre sur son vélo hyper chargé et sa remorque. Je ne veux pas faire de faux mouvements, surtout avec mon dos. Les douleurs de mon dos ont nettement diminué et je commence à avoir de vraies nuits de repos.
Nous fixons l’élastique et c’est parti. Dans les descentes, c’est facile, mais lors des légères montées, Xavier fait de la trottinette pour m’aider. C’est tout de même épuisant, d’autant plus que le vent est entré dans la partie et qu’il nous contre. Après une dizaine de kilomètres, nous faisons finalement l’échange. C’est Xavier qui me tire. Nous avançons lentement, mais au moins c’est régulier.
Dans le petit village de Rikibiru, un homme nous aide. Ce pêcheur à la voix grave et au grand sourire emmène Xavier dans sa camionnette. Nous sommes soulagés. Ensembles avec les filles, nous roulons alors le long de cette côte magnifique. Le bleu cyan de la mer s’étend jusqu’à l’horizon.
Arrivés à Rumoi, le magasin de vélo n’a aucune solution. Il nous faut rejoindre Sapporo ou Asahikawa et espérer trouver un moyeu aux bonnes dimensions. Finalement, Xavier loue une voiture pour faire le tour des magasins de vélo d’Asahikawa. Avec Nayla et Fibie, nous étudions dans le gigantesque parc de la ville. Quelques heures plus tard, il est de retour avec une bonne nouvelle. Le gérant du 4ème magasin de vélo a dégoté une vieille roue et son moyeu est de même dimension. Il est d’occasion, mais peu importe. On espère juste qu’il tienne jusqu’à ce que nous recevions un nouveau moyeu. Xavier doit maintenant rayonner la roue. « Cela me prendra un peu de temps, mais j’espère y arriver » affirme-t-il. Soudain, des membres de la municipalité viennent nous retrouver. Nous nous étions présenté lors du dernier événement Sea to Summit à Higashikawa en juin. Nous sommes alors invités à une rencontre demain avec le maire.
Xavier poursuit son atelier jusqu’à tard dans la nuit. Lentement, la roue semble tourner rond. Nous pourrons repartir demain !
Avant de reprendre la route en direction de Sapporo, nous rendons visite à la mairie et sommes chaleureusement accueillis. Très vite le ciel s’assombrit. Un gigantesque orage se prépare sur la mer du Japon. Le ciel est ténébreux. Nous nous dépêchons, espérant gagner du terrain et entrer dans les premiers tunnels. Soudain, de grosses gouttes s’abattent sur nous. Nous nous attendons à être détrempés. Pourtant, nous rejoignons juste le tunnel à temps. 4,6 km de long. De retour à la lumière du jour, l’orage a eu le temps de passer.
La route le long de cette côte est incroyable, pourtant de nombreux tunnels sont présents. En deux jours, nous passons 15 km au cœur de la terre, dans ces galeries sombres, à travers les hautes montagnes qui s’élèvent en falaises au-dessus de l’océan. Heureusement, il n’y a pas trop de trafic.
Nous allons dans notre dernier onsen à Hokkaido et rencontrons un couple de montagnards qui nous offre du jus de raisins sauvage qu’ils viennent de récolter. Nous observons aussi les saumons qui commencent à remonter les rivières. Et nous arrivons finalement au dernier lieu où nous plantons la tente sur cette île.
Le coucher du soleil est fascinant. La terre nous offre un au revoir mémorable, là au bord de l’eau et au pied des falaises du cap Ofuyu. Nous sommes portés par cette énergie fabuleuse qui se reflète sur l’eau.
Au matin, je suis émue par la petite dame de 80 ans qui nettoie les toilettes publiques, certainement bénévolement, mais pour participer au bien-être de la communauté. Cet esprit de communauté est un des aspects les plus fascinants du Japon. Cette énergie a mettre au service de l’autre, cette énergie a se lever à l’aube pour faire, encore et encore. Certains disent aussi que cela participe à la longévité de sa population. Ikigai, c’est ce sens donné à la vie, cette raison de vivre. Il représente un véritable art de vivre qui donne du sens à la vie quotidienne et procure ainsi une joie durable.
Il nous reste 55 km pour arriver à Sapporo. Une fois encore, un avis de pluie torrentielle est annoncé pour cet après-midi. Nous devons rouler au plus vite. Sur les premiers kilomètres, nous sommes sur la route principale. Avec le début du week-end prolongé, la circulation est infernal malgré notre départ matinal à 6 h 30. Arrivés dans un petit village, nous découvrons une épicerie, avec des fruits locaux. Fibie est ravie. Et le couple de 80 ans aussi. Ils sont si enthousiastes qu’ils nous offrent finalement des petites tomates cerises.
Nous prenons ensuite une petite route pour traverser les dernières collines de la côte. Puis, nous pénétrons dans la zone marécageuse sur une route en gravier. Des centaines de libellules virevoltent autour de nous. Nous sommes seuls dans cette nature enivrante, le long de la mer du Japon. Cependant, le vent commence à se lever. De face, il devient de plus en plus puissant. Nous arrivons à rejoindre la piste cyclable longeant la rivière Ishikari, pourtant il devient impétueux. Nous avons maintenant de la peine à rouler à 10 km/h et devons lutter à chaque coup de pédale. Certaines rafales nous bloquent et nous perdons encore 3 km/h. Nous sommes épuisés. Les nuages sombres ont déjà recouvert les montagnes et quelques gouttes tombent par moment. Fibie n’en peut plus. Nous espérions rouler encore 5 km, mais nous nous arrêtons au bord du chemin pour manger. Nous avons besoin de repos.
Nous remontons au plus vite sur nos vélos, le vent ne cesse d’augmenter. Mais nous arrivons finalement chez notre ami Hiro quelques minutes avant le déluge. Quelle joie d’être à l’abri de revoir un ami et être au sec ce soir .
Demain, nous prenons le ferry à Otaru pour rejoindre Niigata à Honshu.
Céline, Xavier, Nayla et Fibie
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