Sur les routes d’Hokkaido, la musique d’une enfant résonne comme une promesse : celle que d’autres chemins sont possibles, libres et lumineux. Entre l’émerveillement des paysages et la force des liens, chaque jour devient une invitation à avancer avec confiance, porté par la beauté du monde et la légèreté du cœur.
Ce matin, au moment de partir de Shari, Tsubasa prend son violon et nous offre un concert. Elle a 12 ans, comme Nayla. Avec sa famille et deux amis, ils font un tour d’Hokkaido entre van et vélo. Yoshi et Kana, les parents, sont eux aussi des personnages. Ils font l’école à la maison à leurs quatre enfants, ici au Japon. Misaki a 10 ans, Hyuga 7 et Genzo 1 an. L’attitude de Tsubasa, son ouverture d’esprit, la maîtrise de son instrument, son dynamisme nous fascine. Elle a les yeux pétillants de vie. À 12 ans déjà, elle ouvre les portes de sa destinée. Une profonde connexion nous relie à cette famille, celle de croire qu’il y a d’autres possibles dans la vie. Nayla et Fibie sont aussi impressionnées par la performance artistique de leur nouvelle amie, leur insufflant de nouvelles idées et envies. Toute l’équipe décide de nous accompagner pour les 10 premiers kilomètres. Nous roulons tous ensemble dans une ambiance de joie et de légèreté. Je dis au revoir à ce lieu qui m’a permis de me recentrer. Mon dos est toujours très tendu, surtout la nuit. Mais le mouvement me fait du bien. J’ai confiance. « À Wakkanai, dans 350 km, mon dors sera guéri ! »
Le ciel est bleu profond et les montagnes de Shari et de Shiretoko se dessinent au loin face à la mer de Okhostk. Ces reliefs aux teintes bleu vert s’élèvent au-dessus d’une mer lisse comme un miroir. Les lignes des arêtes soulignent le caractère impétueux de ce lieu que la beauté inspirante du jour semble cacher.
À Koshimizu, le lac Tofutsu reflète les hauts sommets. Ces marais sont des sites importants pour les oiseaux migrateurs. Les dunes qui se sont formées sur un banc de sable ont séparé le lac de la mer, créant ainsi une lagune salée de 27 kilomètres. Une flore unique se développe dans ce lieu particulier. Et 60’000 oies et cygnes s’arrêtent dans la région lors de leur migration. Certains y passent même l’hiver. Alors que nous contemplons le lieu, une vingtaine de héros s’envolent d’un arbre majestueux. Un pygargue à queue blanche est venu déranger la quiétude de leur repos. Accueillis par les responsables du centre, nous découvrons les paysages hivernaux de ce refuge. « C’est tellement beau ! J’aimerais revenir en hivers voir les oiseaux ! » Fibie s’exclame. La beauté cristalline des paysages enneigés souligne le froid mordant.
Nous poursuivons le long de la mer pour rejoindre la ville d’Abashiri. Elle a une ambiance accueillante avec ces jolis parcs. Elle est surtout la joie d’avoir pu rejoindre ce lieu, mon dos a tenu. Je vais pouvoir rouler.
Pourtant, il est tant de changer ma selle. Elle forme désormais un U. Nous venons de recevoir la nouvelle, dont la forme est inversée. J’avais oublié comment s’est inconfortable. En cuir, il me faudra probablement 1000km pour la former. Après 20 kilomètres déjà, j’ai mal aux fesses. Le seul soulagement, c’est d’inhiber légèrement la douleur de mon dos. Sauf mes nuits qui restent toujours entrecoupées de douleurs intenses.
Suivant le lac de Notoro, nous rejoignons celui de Saroma, la plus grande étendue d’eau d’Hokkaido. Pourtant, les paysages se sont transformés sous les vents forts qui heureusement nous poussent. La couleur unique du lac, un bleu profond appelé «Saroman Blue », est désormais noire. Elle nous conduit à Kimuaneppu, le bout d’une petite péninsule à l’écosystème unique, en particulier ses salicornes. Ces plantes transforment les rives en un tapis écarlate au début de l’automne. Aujourd’hui, seules quelques teintes vermillon commencent à illuminer les plantes.
Par contre, les moustiques eux sont voraces. Nous avons souffert des taons. Ils nous mangeaient dans les montées au coeur des forêts. Des dizaines s’abattaient sur nous, sans échappatoires possibles avant la descente. Nous avions alors reçu du spray de menthe de notre ami afin de les éloigner. « Ça ne marche que pour les taons » nous avait-il rappelé. Cette fois, ce ne sont pas les taons, mais des nuées de moustiques. Ils nous dévorent. Il y en a tellement ! C’est infernal.
Une heure plus tard, un vent violent se lève, puis la pluie s’abat sur nous. Nous sommes presque soulagés. Toute la nuit, le vent a hurlé. Pourtant au réveil, une centaine de moustiques se trouvent entre les deux toiles. Ils se sont glissés et nous entendons leurs zonzonnements aigus et si désagréables. Ce matin, le réveil est difficile. Les moustiques, le sol détrempé, les teintes grises du ciel, mon dos qui s’est tendu de l’humidité. Parfois, il faut du courage pour repartir, tout plier dans les sacoches et tout ressortir à midi pour faire sécher notre équipement. C’est aussi dans ces moments que nous devenons plus affectés par les petits détails. Aujourd’hui, c’est les poubelles qui sont dans notre ligne de mire. Ici au Japon, il y a uniquement dans les supérettes où nous pouvons les déposer. Alors lorsqu’ils refusent, nous nous retrouvons avec des poubelles à transporter et surtout aucun lieu où les déposer. Il n’y a pas de poubelles vers les toilettes, pas dans les parcs, pas dans les magasins, pas dans les campings… C’est tellement frustrant !
Pourtant, nous longeons le lac Saroma et les aigles viennent nous apporter du réconfort. Trois pygargues à queue blanche volent majestueusement et font des piqués agiles juste au-dessus de notre tête. Ils nous emportent avec eux dans cette danse aérienne, comme s’il nous invitait à voir au-delà. Ils nous rappellent à cette vie de liberté que nous avons choisi. Alors, nous nous sentons à nouveau porter par le souffle du vent. Lorsque nous rejoignons Komuke, un somptueux coucher de soleil nous accueille. Les teintes rose orangé apportent douceur à la soirée. Nous nous sentons apaisés. Nayla et Fibie découvrent un arbre majestueux qui devient leur cabane. J’aperçois Fibie qui fait des bisous à la terre et au nuage, pour remercier le lieu de nous accueillir. Elle le fait innocemment et avec spontanéité comme si c’était la chose la plus naturelle du monde.
Céline, Xavier, Nayla et Fibie
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