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Quand la nature et l’administration se déchaînent


Au nord d’Hokkaidō, la beauté sauvage se mêle à la rudesse des tempêtes. Mais entre la pluie battante et les vents violents, une autre bataille s’impose : celle du visa. Allons-nous devoir faire un aller retour à Osaka?

Le bâtiment en verre se dresse sur le cap de Hinode. À l’architecture moderne, il est un point de vue pour les levers de soleil exceptionnels sur la mer de Okhostk. Ce lieu nous fait les frissons. Ce n’est pas la première fois. Il y a 9 ans déjà, nous étions touchés par la puissance et la haute énergie qui y règne. Cet endroit intemporel nous confronte à la force des éléments et leur beauté. Le vent souffle brutalement, la mer est noire. Pourtant, nous nous sentons animés d’une force inébranlable, comme si cet espace réveillait notre force de vie. La nuit précédente a été mouvementée. Une tempête violente est arrivée droit sur nous. Les vents ont hurlé toute la nuit et le déluge était phénoménal. Nous étions constamment réveillés par la puissance de cette force. Le vent maintenant nous permet de tout sécher, y compris nous. Nous nous sentons trop pleins d’une humidité constante.


Enfin, nous retrouvons l’esprit sauvage d’Hokkaido. La mer de Okhostk où la glace et les icebergs flottent en hiver affiche son caractère impétueux. Nous nous sentons reliés à cette terre. Nous décidons alors de rester deux jours, de nous nourrir des hautes vibrations présentes.


Nous repartons sous un ciel à nouveau ténébreux. Le soleil n’a duré que 2 jours. Hokkaido est traversé par de gigantesques tempêtes, des orages et des pluies abondantes cette année. Il semblerait qu’avec l’augmentation des températures de l’océan, de plus en plus de précipitations atteignent l’île et de manière plus violente. Le changement est visible, tout comme les saumons qui ne reviennent plus remonter les rivières. Dans 2 jours, une tempête est à nouveau prévue. Cette fois, l’alerte est au maximum. Nous nous questionnons sur la meilleure solution en espérant que les 100 mm de pluie annoncée sur 2 jours soient inexacts. Nous roulons le long de la côte accidentée. De magnifiques montagnes au pic lacéré plongent dans la mer. Nous sommes à nouveau nourris par les paysages extraordinaires de cette partie du monde.


Hamatonbetsu nous accueille à côté du lac Kutcharo. Ce lieu est paisible, ressourçant et doux. Nous espérons y rester jusqu’au passage des intempéries. Pourtant, nous avons toujours notre visa à prolonger à Wakkanai. Nous n’arriverons jamais avant l’échéance. Nous essayons de trouver des solutions, mais au Japon, c’est difficile d’obtenir des solutions via internet et parfois même dans les offices du tourisme. Nous élaborons des dizaines de scénarios possibles à en avoir mal à la tête, surtout avec le niveau d’alerte qui est au maximum vu la tempête qui arrive. Nous parvenons à dégoter une toute petite agence de location de voiture, une mission presque impossible. Et décidons de rejoindre Wakkanai à 2 heures de route à la pointe nord d’Hokkaido.


Une fois sur place, le petit centre d’immigration nous refuse catégoriquement. Il n’y a qu’un unique agent, donc impossible de plaider notre cause. « Vous devez aller à Osaka » affirme-t-il.

« À Osaka ! Mais il doit y avoir d’autres moyens ! » Impossible de négocier. Nous revenons bredouilles et abattus.

Des dizaines de nouveaux plans se mettent en branle dans notre tête en ébullition. La tempête arrive dans la nuit, comment allons-nous faire? Tout semble une lutte, c’est compliqué, fatiguant. Nous sommes épuisés par cette météo et une pluie qui impose des centaines de gestes supplémentaires à chaque fois, à ranger, à sécher, à déplier, à replier. Nous pensions nous reposer quelques jours dans la douceur du lieu et voilà que nous devons nous battre pour trouver de nouvelles solutions, tout en sachant que nous avons un seul impératif. Nous voulons poursuivre notre tour de Hokkaido, cette île est trop importante pour nous. Nous y sommes reliés par notre chair et notre cœur. Nous décidons aussi d’appeler des amis pour voir quelles sont les options possibles si nous devons véritablement aller à Osaka.

Nous nous levons à 5 heures du matin, il a déjà commencé à pleuvoir. Nous plions le camp le plus vite possible, mais tout est déjà mouillé. Maintenant, c’est le déluge. Nous mettons nos habits étanches pour rouler les 2 kilomètres qui nous séparent de la compagnie de location de voitures. Le temps d’y arriver, nous sommes complètement détrempés. Nous louons la voiture et roulons 3 heures pour arriver à Asahikawa, au centre d’immigration. Pleins d’espoir, nous espérons prolonger le visa. Vu les circonstances, Asahikawa accepte, mais ils doivent obtenir l’autorisation d’Osaka. Je suis persuadée qu’ils vont accepter. Cela ne fait aucun sens de devoir rouler 7 heures et faire 2 heures d’avion pour se présenter à une immigration! Surtout vu le système informatique qui tend à tout centraliser et l’impact écologique que cela représente alors qu’on parle de réchauffement climatique. Et sans compter le coût! C’est le même prix que de voler en Corée du Sud! J’appelle et essaie d’être la plus convaincante possible. J’ai tout essayé, sauf de m’énerver. Au Japon, cela ne marche jamais.

« Nous devons définitivement aller à Osaka ! Et avant 7 jours ! » j’annonce la nouvelle. Puis ajoute « Mais les filles n’ont pas besoin d’être présentes. » Nous sommes furieux, mais nous n’avons pas le temps de nous épancher, nous avons de nouvelles solutions à trouver. Il nous faut tous sécher notre matériel détrempé. Dans 4 jours, tout risque d’être moisi. C’est à Chitose qu’il y a les vols moins chers. Des amis à Tomakomai, Takun et Marie, peuvent garder les filles durant 2-3 jours. Nous roulons encore durant 4 heures, réservons un billet en ligne pour Osaka et un hôtel. Nous arrivons à Tomakomai à 21 heures, retrouvons nos amis, faisons sécher le reste de notre équipement comme les sacs de couchage et préparons les filles. Pour la première fois, elles vont rester seules. Dans notre vie, nous sommes les principaux points d’ancrage. Tout se modifie, tout le temps. Bien sûr, elles ont une capacité d’adaptation incroyable, mais là c’est leur sécurité émotionnelle qui vacille. Nous en avons discuté. Elles ont même choisi d’aller chez eux, mais c’est évidemment difficile pour elles.


À 7 heures le lendemain matin, nous partons prendre l’avion. Après 2 heures de vol et 1 heure de bus, nous arrivons face à l’immigration. Cela a pris 15 minutes pour déposer les papiers ! Une partie en nous est soulagée qu’il n’y ait pas eu d’entraves supplémentaires, mais nous sommes aussi furibonds. Ils n’ont fait que de vérifier si nous avions tous les bons documents ! Cela n’aurait rien changé de les donner à l’immigration à Hokkaido. Oui fois encore, à force de compartimenté les choses, chacun s’occupe aveuglement de sa partie, sans jamais prendre du recul ou voir la grande image. C’est aussi alarmant dans un système où l’AI est célébré pour centraliser les données, mais dans notre expérience, on se rend bien compte que cela ne va que dans un sens. Pire encore, lorsque les systèmes sont uniquement informatiques, les cases blanches deviennent incompatibles. Il n’y a plus la place pour les alternatives. Nous en faisons souvent l’expérience au Japon où un numéro de téléphone est nécessaire pour avoir accès à un service. Sans téléphone, pas de rendez-vous possible parce que le système a besoin de cette donnée.


Entre-temps, Nayla et Fibie vont alors cueillir les champignons avec Marie, qui est passionnée. Spécialiste, elle les guide dans la cueillette au cœur de la forêt. Elles ont découvert 20 sortes de champignons différentes, dont 5 rares et un inconnu. Il avait un lait rose. « Le lait s’est le liquide un peu laiteux qui sort du champignon » m’explique Nayla au téléphone.


Le lendemain, nous sommes de retour à Tomakomai en soirée. Nous retrouvons les filles émues et excitées de nous raconter leur journée. Demain, nous repartons pour 7 h de route afin retrouver Hamatonbetsu et nos vélos. On se rappelle alors qu’avec cette escapade, on a au moins évité la tempête…


Céline, Xavier, Nayla et Fibie


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