Du brouillard dense aux falaises baignées de lumière, la péninsule de Kiritappu nous entraîne entre humidité tenace, moustiques affamés et rencontres magiques. Dans l’eau indigo, les loutres jouent comme pour alléger l’atmosphère, tandis que sur les falaises, guitares, ukulélés et chants chamaniques réchauffent les corps et les cœurs. Plus au nord, les montagnes sauvages de Shiretoko et leurs aigles majestueux rappellent que, malgré la pluie persistante, le Grand Nord d’Hokkaido pulse d’une énergie indomptée.
Le parc national d’Akkeshi-Kiritappu-Konobumori nous accueille. Entre les falaises escarpées et majestueuses et l’une des plus grandes zones humides du pays, cet écosystème est celui d’oiseaux aquatiques rares et d’une végétation marécageuse unique. Les oiseaux nous ont tout de suite salués, mais c’est surtout les moustiques qui n’ont pas laissé une minute. Assoiffée de sang, notre première pause du matin, celle du petit-déjeuner, alors qu’il est à peine 8 heures est une déconvenue. Enfin, les rayons du soleil nous offraient le réconfort d’une peau moite qui finalement sèche de l’humidité ambiante. Mais les moustiques eux n’ont pas saisi la douceur que ce temps nous offrait. Ils ont immédiatement saisi l’opportunité de se nourrir du sang chaud qui pulse dans nos veines. Nous sommes littéralement assaillis. Entourés comme si nous étions entrés au cœur de leur essaim, nous n’arrivons même pas à les compter. Bouger est notre seule alternative jusqu’à ce que la fumée des serpentins ne calme leur ardeur, du moins pour la majorité.
Nous repartons happé par la beauté du lieu, par ces terres humides qui vues du ciel doivent être encore plus mystérieuse. Nous ne pouvons qu’en deviné les contours, qu’imaginé les rivières serpentant dans les marécages.
Nous rejoignons alors la péninsule d’Hamanaka. Nous avons à peine le temps de distinguer les hautes falaises et les pics rocheux émerger de l’eau que déjà la brume s’installe. En quelques minutes, nous sommes au cœur d’un brouillard dense. L’horizon a disparu. Nous roulons alors jusqu’au cap de Kiritappu et plantons la tente au cœur du nuage. Pourtant, ce lieu est mystique. Chaque été, un brouillard épais recouvre les côtes de la péninsule de Nemuro. Il ne se dissipe que quelques heures uniquement. Vers 10 heures le matin, avant que les nouvelles vagues de brumes ne réapparaissent vers midi déjà.
Nous pensions nous y poser quelques jours. Nos corps fatigués en ont besoin. Pourtant, le brouillard dépose une humidité qui détrempe absolument tout, c’est pire que la pluie. Le paysage absent, le onsen devient le seul réconfort de ce temps qui lentement nous use. Heureusement, nous faisons des rencontres. Shin Sakabe, Yumi et leur petite fille Fuka d’une année se retrouvent sous notre tarpe pour un souper improvisé. Nous avons de la peine à l’admettre, mais malgré l’ambiance enjouée, une fatigue s’installe. Un besoin de calme, de repos, de solitude, d’espace. Connus dans le monde de l’outdoor japonais, nous sommes souvent accostés. Un peu de clémence dans la météo serait aussi le bienvenu.
Aujourd’hui, notre retour de l’onsen s’est transformé en douche diluvienne. Pas un centimètre de peau n’a été épargné, nous étions détrempés. Ce n’est pas tant d’être mouillé, mais c’est toute la logistique qui suit, la difficulté de garder nos affaires aux secs le plus longtemps possible, d’éviter que nos sacs de couchage ne soient mouillés et que la moisissure ne s’installe. Le brouillard amplifie certainement les sensations. Emmuré dans l’espace confiné d’un paysage qui s’arrête à quelques dizaines de mètres, les visions ont de la peine à s’élever, le moral s’englue dans l’humidité ambiante.
Alors ce matin, lorsque finalement le soleil illumine les falaises escarpées qui plongent dans le Pacifique, tout notre être renaît. Plus majestueux que ce que nous aurions pu imaginer, cette côte accidentée est taillée dans les rochers, donnant naissance à des paysages spectaculaire. Nous marchons alors jusqu’au phare. Une brume mystérieuse entoure les quelques pics et îles qui s’échappent de l’océan. Des gigantesques vagues viennent se heurter avec violence contre les formations. Elles sont les dernières ondes qui proviennent d’un typhon bien plus au Sud. Et là, dans le bleu indigo et limpide de l’eau nous découvrons des loutres de mer. Bercées sur le dos, elles sont des rescapées dans ce coin du monde. Menacées, elles sont protégées. Nageant dans les algues de Kombu, elles sont surtout cet air enjoué, cette innocence et ce don du jeu. C’est peut-être leur cadeau du moment, un peu de légèreté dans les puissantes énergies du moment.
Grand Pa Shigeo nous met aussi en contact avec son ami, Masao San et Sunny sa compagne. Guide nature en canoë, il élève des cheveux qu’il débourre pour les balades. Enjoué, il nous emmène à LandEdge sa compagnie et petite maison qu’il a transformée pour accueillir ses clients. Le timing est incroyable. C’est sa seule soirée de libre pendant tout l’été et aujourd’hui, le brouillard ne s’est miraculeusement pas installé. Il fait grand beau. Nayla et Fibie vont faire un tour à cheval, puis le couple nous emmène vers leur terrasse. Une plateforme sur la falaise avec une vue imprenable sur le cap Kiritappu ainsi que les magnifiques formations rocheuses. Instantanément, un lien unique nous unit. Notre vision est similaire, nos passions aussi.
Durant la soirée, Nayla sort son ukulele Masao San l’accompagne à la guitare puis Sunny joue elle aussi. L’ambiance est incroyable. Puis nous avons droit à un chant chamanique au tambour. Cette journée insuffle une nouvelle énergie dans nos corps fatigués, et célèbrent les rencontres de cœur à cœur. Nous serions bien restés quelques jours, mais les obligations de l’été rendent cette option caduque. Nous nous promettons de revenir en hiver, vers ce lieu magique et sauvage. Nous reprenons la route dans le brouillard silencieux, envahi par les tans qui nous infligent leurs piqûres pour retrouver des pluies abondantes dès la fin de journée. Le lieu où nous avons planté la tente est magnifique, pourtant la pluie et les moustiques mènent une danse qui affecte nos nerfs. Nous avons une étrange sensation d’être poussés à bouger constamment, si ce n’est pas en géographie, ne serait-ce que par les moustiques et petites bêtes de toutes sortes. En plus, nous devons rejoindre les prochains magasins d’alimentation, alors on repart le lendemain heureusement avec une fenêtre météo plus clémente.
Cette fois, les somptueuses montagnes du parc national de Shiretoko se dessinent dans le bleu cyan du ciel. Cette péninsule est un lieu reculé qui porte les énergies du Grand Nord. Les côtes se transforment en glace en hiver et les icebergs provenant de la Sibérie y dérivent. Les orques et les cachalots y font leur apparition et les ours font partie du paysage. La légende raconte d’ailleurs que les mamans ours venaient montrer leurs oursons aux pêcheurs les protégeant ainsi de l’agression des mâles vivant dans les montagnes. C’est un lieu sauvage, par endroit impénétrable puisqu’une grande partie de la péninsule n’est accessible que par bateau et très peu de sentiers traversent ces terres. De loin, l’élégance des montagnes nous séduit immédiatement, puis c’est l’énergie de ce lieu qui nous nourrit. Tout comme le pygargue à queue blanche qui vient nous saluer majestueusement dans un plongeon maîtrisé, il y a une énergie puissante d’un monde farouche. Nous rejoignons alors le petit village de Rausu. Un lieu touristique, mais dans le petit camping au cœur de la forêt, nous nous sentons en lien avec cette terre. Un onsen naturel se trouve à quelques centaines de mètres. L’eau y est bouillante. Nous y ajoutons l’eau cristalline de la rivière pour pouvoir nous y baigner et ressourcer nos corps grâce à cette eau minérale qui provient de la terre volcanique. C’est pourtant notre seul réconfort. La pluie en abondance est à nouveau au rendez-vous.
Céline, Xavier, Nayla et Fibie
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