Accéder au contenu principal

Traverser une partie de l’histoire de l’Europe


Peinture du célèbre physicien serbe, Mihajlo Idvorski Pupin

Nous venons de traverser un des trois ponts de Novi Sad sur le Danube. Un pont qui a été bombardé par l’OTAN dans les années 90. Pour les Serbes que nous rencontrons, il y a encore aujourd’hui une incompréhension totale de cet acte. Tout s’emmêle dans ma tête. En entrant en Serbie, nous avons accès à une nouvelle information. Nous découvrons qu’au début de la Deuxième Guerre mondiale, la population des territoires croates est composée à 30% de Serbes. Cette communauté va subir des persécutions du régime des Oustachis avec une épuration ethnique qui fera 300’000 victimes. L’histoire est imbriquée de telle sorte qu’il n’y a pas une lecture simple des faits. 

Vue sur la ville de Novi Sad

Traverser l’Europe, c’est entrer de plein fouet avec l’histoire de la guerre. Ma première réaction aura été cette profonde tristesse, cette incompréhension de violences, des exactions commises, de cette humanité brisée. Comment l’homme d’aujourd’hui peut-il commettre ces actes? Pourtant, lentement, je ressens qu’il n’y a pas à juger, comment? Lorsque l’on comprend que victime et bourreau se sont parfois alternés. Lorsque nous n’étions pas là, à ce moment dans leur peau et leur tête pour comprendre ce qui a pu se passer. Certains disent que ces atrocités ont été exacerbées parce que l’autre était similaire à soi. Il fallait ainsi le déshumaniser pour le transformer en ennemi. Je ressens à quel point nous pouvons tous devenir bourreau. Par contre je ressens aussi à quel point l’histoire est écrite sous le regard du présent, à quel point elle est transformée pour qu’elle donne du sens à aujourd’hui. Ne pourrions-nous pas réécrire les guerres sur les personnes qui plongées dans les ténèbres ont su faire preuve de la plus grande humanité?

Dans ces guerres, ce que l’on oublie si souvent, est le poids des mémoires que les générations futures portent en eux, l’ombre du passé, la peur, parfois la haine. Cela me fait penser à cette jeune fille de 21 ans, une Bulgare qui déclarait avec passion que la macédoine faisait partie de leur patrie. Une femme qui n’est jamais allée dans cette région, qui ne connaît personne y habitant. Ce n’est pas la seule puisqu’en Albanie et en Grèce, d’autres nous avaient tenu le même discours. Cette idée de territoire et de peuple me dépasse. Parce qu’en traversant l’Europe, nous ressentons bien à quel point chaque peuple est relié, à quel point il y a eu des mélanges ! En arrivant en Serbie, la maman de Sinisha, une femme de 65 ans, nous offre la traditionnelle soupe de poisson, faite maison. Je communique alors avec un mélange entre les quelques mots de serbe que je viens d’apprendre, un peu de polonais et un peu de russe. Et nous arrivons parfaitement à nous comprendre! Bien sûr aujourd’hui Serbes et Croates peuvent devenir amis, sortir dans les mêmes lieux, se fréquenter. Certains osent même se marier. Ceux nés juste avant la guerre s’efforcent de rappeler qu’autrefois, ils vivaient ensemble sans se poser la question de leur différence ou des motifs censés les séparer. 

Sinisha nous emmène dans un labyrinthe mystérieux sous la forteresse   

Traverser l’Europe, c’est réaliser que nous sommes dans un monde interculturel où les communautés sont mixtes. Voïvodine en est le symbole. Cette province automne de la Serbie possède plus de 25 groupes ethniques et six langues officielles

Sur la place centrale de Novi Sad

Nous prenons aussi conscience que tout ce qui fait notre monde est né des inventions et des découvertes d’hommes et de femmes à travers le monde. Que tous ces peuples ont participé à construire l’histoire. À Idvor, nous explorons le musée de Pupin. Mihajlo Idvorski Pupin est un physicien reconnu notamment pour ses bobines qui améliore les transmissions des communications téléphoniques sur de longues distances. Travaillant à la NASA, il a d’abord été reconnu aux USA avant de l’être dans son pays natal. L’humanité est à célébrer parce que chaque peuple a donné naissance à des êtres maîtres dans leur domaine. 

Céline, Xavier, Nayla et Fibie

_______________________________________

Inscription au blog et/ou à la newsletter:


Envie de nous offrir un café:

Suivez-nous également sur:



Commentaires

autre articles

Petit retour sur notre virée en Suisse

Un besoin profond de retrouver les siens, de se reconnecter à une terre de souvenirs, et de faire face à des réalités aussi bien personnelles qu’administratives. Entre retrouvailles, moments simples, nature retrouvée et épreuves physiques, ce passage devient une parenthèse précieuse, pleine d’émotions. Un passage en Suisse s’est imposé. Tout d’abord en nous. Après 2 ans, un élan nous poussait à retrouver les personnes chères à notre cœur. J’avais aussi besoin de revenir en Suisse, après l’envol de mon Papa, de retrouver sa terre, de sentir les odeurs, de me relier aux traces restantes de son passage dans ce monde physique. Et bien sûr de revoir ma Maman, de pouvoir l’embrasser, d’être présente. Les obligations administratives ont apporté la dernière touche pour transformer cet élan en une réalité. Notre avion part le 1er janvier du Japon. Nous sommes alors à Nara dans la maison d’hôte de Tatsuno San, le fondateur de Montbell. Dans l’archipel nippon, la nouvelle année est célébrée le...

Les célèbres poteries d’Inuyama

Inuyama est connu pour la qualité de ces poteries et pour leurs motifs particuliers. La production de poteries date des années 1680 déjà. Nous allons à l’atelier Goto Poterie, où un maître de plus de 70 ans y travaille encore. Descendant d’une famille de potiers depuis plus de 5 générations, son fils perpétue cette longue tradition d’artisans et d’artistes. -   Suivre ce blog  - Le maître, ce grand homme au regard franc, a beaucoup d’humour. Il nous explique d’abord comment préparer l’argile et le rendre mou afin de pouvoir le travailler. Leur atelier ayant été construit à côté d’une gigantesque montagne d’argile, ils extraient l’argile à l’endroit même. Il nous explique ensuite le processus pour terminer la poterie, environ une semaine pour sécher : une première cuisson à 800 °C pendant 8 heures, puis une deuxième cuisson à 1250 °C durant 28 heures. La décoration de la glaçure permet de mettre en valeur les motifs célèbres d’Inuyama le unkinde, le mariage des feuilles d’é...

On ne savait pas si nos jambes suivraient

Nous croyions que cette journée au bord du lac Towada serait paisible. Et pourtant… une question lancée à la volée a tout changé : « Et si on montait jusqu’aux volcans ? » En moins de deux heures, nous étions sur nos vélos, prêts à grimper cols et sommets, à travers forêts, torrents et névés surprenants. On ne savait pas encore si la météo tiendrait, ni si nos jambes suivraient. Mais quelque chose nous poussait à tenter l’aventure… Une petite route nous emmène au cœur des montagnes. Dans la végétation luxuriante, nous grimpons un kilomètre après l’autre. Ce chemin nous guide vers un petit passage, un col pour rejoindre le lac Towada. L’effort est intense, mais le chant des cigales et celui des oiseaux nous offrent un peu de réconfort. J’aime la musique de la nature, qui entrecoupe le profond silence. Les deux me permettent de rejoindre un espace de sérénité, où tout s’apaise en moi. Après un dernier passage raide, nous arrivons au col. Le bleu roi du lac se dévoile au centre des mont...

Famille d’accueil à Minoh

Depuis le lac Biwa, nous roulons jusqu’à Minoh. 80 kilomètres dans un froid mordant, avec un vent de face. Nous n’arrivons jamais à réellement nous réchauffer. Le froid devient de plus en plus pesant. Nos corps commencent à être fatigués, nous sentons la neige arriver et avec elle, l’envie de mettre les skis. 80 km c’était un peu trop. Mais il n’y avait plus d’alternative au moment où nous le réalisons. Et ainsi nous arrivons avec les dernières lueurs du jour dans notre famille d’accueil de HIPPO pour notre conférence qui a lieu dans 2 jours. Chihiro nous accueille avec ces trois enfants Renka, Rin et Ram. Sportives et pleines d’énergie, les filles s’entendent à merveille. Le lendemain, nous allons voir la chute d’eau de Minnoh, longeons la rivière cristalline qui nous emmènent vers de magnifiques bâtiments en bois. Cette montagne est sacrée et fait partie du culte du bouddhisme Shugendo. Nous marchons ainsi dans ce lieu sacré recouvert de forêts et découvrons la chute d’eau de 33 m...

Sur les sentiers sacrés de Yamagata

Nous plongeons au cœur d’une nature intense, où la rivière Mogami-gawa déchaîne ses forces et les montagnes révèlent leurs secrets. Chaque instant est une découverte, un mélange d’émotions, de rencontres et de traditions vibrantes. Le chemin nous guide le long d’une piste cyclable qui longe la rivière Mogami-gawa. Nous sommes impressionnés par la puissance du courant, des rapides et remous. L’eau est tumultueuse, et pourtant turquoise. Le niveau est particulièrement élevé. Les larges lits dans ce pays sont souvent traversés par plusieurs bras et cours d’eau, laissant la place pour les crues rapides. Pourtant cette fois, le lit est complètement recouvert et les premiers arbres de la berge sont même sous le flot. C’est phénoménal ! Imaginer le débit est presque impossible ! L’eau provient encore de la neige qui continue de fondre. Cette année, plus de 5 mètres sont tombés ! Et alors que nous admirons le caractère sauvage de ce fleuve, le mont Gassan apparaît soudain. Large, ce volcan ...

Elles ont traversé le Japon… un coup de pédale après l’autre

Sous la lumière douce de la lune et le crépitement des braises, une simple soirée barbecue s’est transformée en une plongée inattendue dans le monde secret des alpinistes japonais et des amitiés sincères. Ce chemin à vélo à travers les 47 préfectures du Japon n’est pas qu’un défi sportif : c’est une traversée de cimes, de rencontres inoubliables et d’émotions brutes. Une odyssée où chaque virage, chaque col, chaque repas partagé éclaire un peu plus le sens de notre aventure.  À la lueur de la lune et des braises ardentes d’un barbecue, nous partageons la soirée avec Saya, Junji, Lisa et Kenji. Ibuki et Reiji, deux garçons de 4 et 2 ans sont en train de courir et jouer avec les filles. C’est la deuxième fois que nous rencontrons la famille de Saya et Junji. Ils nous avaient déjà accueillis lors de notre passage à Yamagata en 2023. Saya était alors enceinte de 7 mois. Cette fois, nous rencontrons pour la première fois Reiji, et découvrons leur nouvelle maison rénovée. Cela fait 2 ans...

De passage en Suisse

  De passage en Suisse pour quelques semaines nous partagerons 3 conférences: "Spécial Japon"   Le Japon nous conduit au cœur de ses légendes et traditions  à travers 45 des 47 préfectures et sur plus de 20 '000 km. C'est ainsi que certaines des terres les plus mystérieuses du Japon nous ont été révélées. Et c'est parce que nous explorons le monde à la force de notre propre corps, depuis 15 ans, que nous avons été nommé  Japan Eco Track  Ambassadeur.   Bienvenue et au plaisir de te revoir Toutes les informations: ici Céline, Xavier, Nayla et Fibie -   Suivre ce blog  - _______________________________________ Incarnons ensemble le Changement: Etre créateur de nos Vies Boutique: Cartes / livres / photographie Inscription au blog et/ou à la newsletter: Inscription Suivez-nous également sur: www.ylia.ch instagram youtube facebook

Au rythme du vent et des rencontres

Nous reprenons la route, sacoches chargées, cœurs ouverts, prêts à affronter la pluie, les kilomètres et l’inconnu. Chaque détour nous offre une rencontre inattendue, chaque étape devient une aventure, entre gratitudes, défis et retrouvailles vibrantes. C’est à nouveau le grand départ. Demain, nous reprenons la route. Et comme à chaque fois que tout est nettoyé et propre, une pluie abondante est annoncée pour toute la journée... on espère passer à côté des gouttes, mais nous savons bien que nous serons détrempés. C’est presque un clin d’œil de la Vie, combien de fois sommes-nous repartis sous des pluies diluviennes. Nous en rions, même si nous nous sentons comme des chats qui à l’abri dans un cocon douillet, n’ont pas envie de mouiller leur pelage. On s’inquiète pour nous, Kiyoko San, la femme de Tatsuno San, fondateur de Montbell, chez qui nous sommes invités à Manyoso, a envie de nous aider. Nous devons récupérer notre matériel resté à Osaka et reprendre la route en direction de ...