Le sol est gorgé d’eau, et nous sommes détrempés

Céline tire Nayla à l’aide d’une élastique


 Le sol est à nouveau détrempé. Il est gorgé d’eau par les quantités qui sont tombées depuis plus de deux semaines. Nous traversons les montagnes slovaques sous une pluie incessante. Au réveil, nous entendons à nouveau l’eau qui se déverse sur la toile. Une sensation de découragement m’inspire un soupir. Pourtant, il nous faut encore plus d’énergie, de détermination et d’enthousiasme, parce que nous devons non seulement nous motiver, mais accompagner Nayla et Fibie, les maintenir aux chauds, les aider à traverser ces intempéries. Je donne à Nayla mes sur-chaussures et mes sur-gants pour la protéger. Fibie met ses bottes de pluie et son imperméable. Elle ira dans la charrette, malgré le passage d’un col supplémentaire et du poids que cela représente pour Xavier. Nayla est fatiguée des dénivellations de la veille et commence la journée sans énergie. Pourtant, il va en falloir encore davantage. Nous plions l’intérieur de la tente afin de pouvoir manger dans ce sanctuaire abrité des éléments. Une acrobatie pour ne pas laisser trop d’odeurs dans la tente et ne pas renverser le thé brûlant. Puis nous nous habillons à l’intérieur, mettons les couches les unes après les autres, pantalons étanches, protection pour les pieds, gants, bonnets…. Nous plierons ensuite la tente de l’intérieur pour essayer de la garder le plus au sec possible, même si elle est déjà bien humide. Lorsque les bagages sont installés sur nos vélos, Xavier et moi sommes déjà détrempés. Nous enfourchons nos montures et commençons par une légère descente dans laquelle nous n’arrivons pas à garder les yeux ouverts, tellement la pluie est forte et abondante. L’huile que j’ai appliquée sur mon visage me coule dans les yeux. Ils brûlent, je suis obligée de m’asperger le visage d’eau à plusieurs reprises pour éliminer toutes les particules qui continuent à couler dans mes yeux. La pluie s’infiltre lentement dans mes avant-bras à force de lever la main pour me nettoyer le visage. Nayla se plaint déjà que l’eau s’égoutte via la lanière de son casque sur sa poitrine. 

La pluie n’arrête pas de tremper la terre

Soudain, le col se présente devant nous, nous ne pouvons pas voir le sommet, simplement cette route sinueuse qui méandre dans la forêt. Je tire Nayla avec un élastique tendu. Cela ajoute un poids considérable à mon vélo, et je sens tout mon corps tendu par l’effort. Pourtant, je ne me donne pas le choix, je dois non seulement utiliser toute ma force, mais aussi motiver et encourager Nayla. Je dois redoubler d’énergie pour l’accompagner, pour que nous trouvions une vitesse harmonieuse entre les deux, et en même temps lutter à chaque démarrage pour mettre en mouvement ce train routier qui semble enfoncé dans le sol, embourbé, tellement lourd. Il y a tout de même une magie dans ces montagnes qui m’invitent à poursuivre, à accepter ce passage difficile, à accueillir ces moments lorsque détrempée je dégouline. Dans ces instants, il n’y a aucune perspective future qui se dessine dans ma tête. Je ne peux que vivre l’instant présent, et il y a comme une force en moi qui m’invite à trouver les points positifs. Des petites phrases: j’ai chaud, Fibie est en sécurité, Nayla se plaint, mais a encore de l’énergie … Chaque instant se vit au présent, pour ne pas insuffler des peurs sur la suite, sur le déroulement de la journée, sur le repas de midi sous la pluie, sur le lieu à trouver pour la nuit. En plus, nos nuits ont été entrecoupées, et nous n’avons pas beaucoup dormi. Elles ont été chahutées parfois par des coups de feu à proximité, parfois par les chasseurs au loin, par des rêves étranges, par la nécessité d’être conscient et attentifs à la présence des ours et donc aux bruits qui nous entourent, par les brames du cerf. La fatigue vient toujours intensifier ce que nous vivons quotidiennement. Plusieurs journées d’affilée, nous vivons le même scénario, une pluie intense nous poursuit même au-delà des montagnes vers les dernières collines de la Slovaquie.

Céline, Xavier, Nayla et Fibie

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Commentaires

  1. Quelle determination. C'est important de ne pas tout idealiser et de partager avec nous les etapes plus eprouvantes...mais c'est beau aussi d'aller chercher le cote encore appreciable. C'est ce qu'ils appelent en anglais la doublure en argent (Silver lIning). Je ne sais pas si on a une expression comme cela en francais. Moi qui suis au sec et dans la neige (tres seiche ces jours ci), je vous envoie plein de bonne enegie (meme si elle n'est guere rechauffante).
    Francoi de Driftwood

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