Harmonie, vous avez dit?

Nous sortons du traffic pour trouver une piste cyclable

Parfois, nous n’avons pas le choix et devons emprunter des routes au trafic intense. Les voitures et les camions nous dépassent, des fois beaucoup trop rapidement, quelquefois beaucoup trop près. Nous mettons nos vestes fluorescentes, nous mettons le drapeau des vélos et de la charrette à l’horizontal pour paraître plus larges et nous offrir un peu plus d’espace. Mais parfois, nous avons réellement peur. 

En équilibre, derrière le parlement de Budapest 

Certains jours, ce sont les filles qui n’arrivent pas à entendre ou à rester concentrées sur ces longs passages, de plusieurs kilomètres. Elles ne peuvent pas s’empêcher de jouer, rire, se retourner sur le vélo. J’ai la sensation de brimer leur jeu et leur bonne humeur, pourtant l’enjeu est beaucoup trop grand. Elles ont de la peine à l’intégrer, elle oublie le danger à force de rouler un peu partout. À 5 ans, Fibie roulait déjà en plein coeur de Budapest et de Varsovie! Coupées dans leur jeu et dans leur élan, elles sont en colère, puis s’ennuient comme si rouler n’était pas suffisant. Pour moi, c’est un défi émotionnel, entre le danger de la circulation et réussir à me faire entendre sans que l’ambiance familiale ne soit plombée et que les tensions ne montent. Parce qu’évidemment, sur ces routes, il faut faire le point rapidement, et il n’y a pas forcément l’espace pour s’arrêter et ni pour parler. 


L’équilibre familial n’est pas toujours si simple. Il est une recherche constante d’harmonie dans le mouvement et le changement quotidien de tous nos repères. Il peut y avoir des clashs, des remises en question, des tensions, des questionnements. Cette vie pourtant a besoin de la collaboration de chaque membre pour fonctionner. Il n’y a pas de temps de répit, pas d’espace cocon hors de l’instant présent, de moment de pause, pas de chez soi douillet. Il y a les impératifs de chaque instant et seule la collaboration de tous nous permet de poursuivre. Alors lorsqu’on nous demande si nos filles aiment cette vie, la question nous paraît absurde, parce que sans leur engagement complet nous ne pourrions pas poursuivre.

Pourtant, l’harmonie est une remise en équilibre perpétuel des déséquilibres. Et ce sont ces mêmes déséquilibres qui nous permettent d’avancer et de recréer de nouveaux scénarios, d’apporter du changement, d’évoluer dans ce que nous vivons. Aujourd’hui, après le trafic frénétique, nous sommes sur une piste en gravier avec un fort vent de face. Nous n’avançons qu’à la puissance de notre mental. Nous gardons tous le silence. Non pas uniquement à cause du vent, bien qu’il serait à lui seul une épreuve suffisante, mais parce que l’équilibre a été rompu. Les susceptibilités de chacun ont été mises à feu, les rôles questionnés, les obligations aussi ! Soudain, le poids de cette vie s’abat sur nous. Il n’y a aucune échappatoire. Fibie a essayé de ramener la joie par sa douceur, mais son geste n’a pas été accueilli comme elle l’espérait. Elle s’enferme alors derrière une facette. Elle devient intouchable. Nayla roule en pleurant. Je tente d’emmener tout le monde à bon port, alors que Xavier s’est renfermé comme une huître.

Céline poussant son vélo sur la piste en gravier

Ces derniers temps, l’équilibre entre le « je » et le « nous » est questionné sans arrêt. Réussir à vivre cette vie nomade à vélo en famille, traverser toutes les étapes, négocier tous les changements de direction, grandir chacun à son rythme est un réel défi au coeur de cette vie d’aventures. Cette fois, nous n’avons pas réussi à recommencer la journée à zéro, et le yoga du rire n’a été d’aucune utilité. Cette fois, il a fallu traverser la tempête intérieure et familiale, et ce n’est que deux jours plus tard que l’équilibre à chacun est de retour. Il a fallu que les carapaces de chacun se craquellent pour enfin retrouver la douceur. Il a fallu que chacun de nous aille à la rencontre de nos blessures, et des mémoires qui s’étaient réactivées. Nous sentons bien que c’était quelques parts nécessaires, même si l’énergie déployée a été phénoménale. Nous avions quelque chose à vivre et à rééquilibrer pour chacun de nous. Finalement, après ces deux jours, nous mangeons un s’mores pour célébrer notre vie de famille à vélo sur les routes du monde, une tradition canadienne, une guimauve grillée choco-biscuit ! Peut-être pour intégrer la douceur dans laquelle nous avons envie de poursuivre ! 

    Céline, Xavier, Nayla et Fibie

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