Au moment où j’écris ces quelques lignes, un puissant typhon arrive droit sur nous. C’est une attente, lente, intense, suspendue. Nous sommes à Minamiaso, sur l’île de Kyushu.
Cette gigantesque force venue du Pacifique arrive avec une lenteur qui surprend tout le monde, y compris les experts. Imprédictible, il a glissé presque insidieusement vers les îles d’Amami avec des vents violents, augmentant en un typhon de catégorie 3 puis 4. Arrivé aux portes de Kuyshu, il a calmé sa vigueur, mais les vents étaient déjà présents. Surtout, c’est sa lenteur qui terrorisait. Un passage rapide amène des souffles brutaux et des pluies torrentielles sur quelques heures, cette fois, la violence s’étend sur des jours. Le typhon a lentement tourné autour de la pointe de Kyushu pour remonter le long de Nagasaki et traversé l’île en plein cœur. Un passage rare pour les typhons : Puis il a poursuivi sa montée au Nord, traversant les 4 îles principales, mais cette fois en sévère dépression tropicale. Les prédictions étaient alarmantes. Des millions de personnes ont reçu l’ordre d’évacuer.
Cette fois, c’est à notre tour. Le niveau d’alerte 4 est donné. À ce stade, il est recommandé de rejoindre les centres d’évacuation. Lorsque le niveau 5 est atteint, c’est qu’un désastre est imminent. Il est trop tard pour se déplacer. L’alarme de ce niveau maximum, rarement atteint, a retenti dans plusieurs endroits sur l’île de Kyushu. Avec entre 200 et 860 mm de pluies en 48 heures, les rivières ont connu des crues rapides, certaines sont sorties de leur lit et des glissements de terrain ont eu lieu. Tout comme les vents avec des rafales à 150 km/h ont balayé la terre.
Quelques jours plus tôt, nous arrivions à Minamiaso. Le propriétaire du camping ainsi que toute la famille nous ont accueillis avec enthousiasme. « C’est gratuit pour les voyageurs du monde ! » nous dit-il. Kenji San a lui aussi voyagé durant 5 années en Chine. Il nous remercie pour notre vie d’aventure, comme tant de ponts que nous créons pour la paix dans le monde. Depuis cette base, nous explorons la région, pourtant les prévisions sont claires. Impossible pour nous de poursuivre, il nous faut trouver un lieu pour nous abriter durant le typhon. Kenji San nous propose alors de dormir dans le petit café qui est aussi la réception du camping. Nous en sommes infiniment touchés et reconnaissants. Avant l’arrivée des premières pluies, nous nous préparons. Nous allons acheter des provisions pour quelques jours, nous remplissons des estagnons pour avoir plus de 150 litres d’eau potable, ainsi que de l’eau pour les toilettes. Nous avons un réchaud à gaz d’urgence avec plusieurs bombonnes de gaz, des lampes et des bougies, et avons rechargé plusieurs batteries externes. Nous nous préparons si les intempéries induisent des coupures d’eau et d’électricité. Nous avons ajouté du papier autocollant sur les fenêtres afin de les consolider et de limiter les débris de verre si elles explosent à cause de la force du vent ou des débris projetés.
Pourtant, nous sommes relativement calmes. Malgré les 200 mm de pluie depuis les premières gouttes, la forêt qui nous entoure est une parfaite protection. Le vent ne semble pas s’être invité avec force au cœur de la caldeira. Du moins, nous sommes bien abrités. Les cimes se balancent, parfois le souffle se fait entendre, quelques branches tombent. Mais les prévisions cataclysmiques n’ont rien avoir avec le calme apparent, bien que nos têtes souffrent de la différence de pression qui chute. À 925 hPa au cœur du typhon, la dépression est gigantesque. Est-ce le calme avant la tempête ? Avec l’alerte qui vient d’être donnée, nous pouvons imaginer le pire. Devons-nous évacuer pendant qu’il est encore temps et que la nuit n’est pas tombée ? L’œil va passer à quelques dizaines de kilomètres en pleine nuit ?
Nous délibérons longuement. Et décidons finalement de rester. Ici, nous avons la sensation que nous sommes intimement reliés avec les quatre éléments. Les volcans Aso sont vivants et vibrent l’énergie du feu. Le typhon qui arrive juste sur nous apporte l’élément de l’air et de l’eau. Entourés d’arbres, nous plongeons nos racines profondément dans la terre afin de nous ancrer.
En même temps, nous ne pouvons que nous abandonner à cette force fabuleuse, l’accepter et nous connecter à cette énergie puissante qui nous traverse. Ici, nous ne pouvons que nous tenir debout dans l’humilité, mais avec la force d’être vivants.
Finalement, nous étions protégés et en paix dans ce petit cocon. L’attente suspendue était plus intense que les vents ou le déluge. Deux jours plus tard, après les dernières pluies, Nayla et Fibie vont remercier le lieu et les arbres de nous avoir offert ce refuge de douceur dans la traversée de ces énergies mouvementées.
Céline, Xavier, Nayla et Fibie
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